Quelles leçons tactiques tirer de la techno-guérilla ?
La guerre entre Israël et le Hezbollah, au Sud-Liban en 2006, a amené sur le devant de la scène une forme particulière de guérilla, dite « techno-guérilla », et qui caractérise le Hezbollah. L’efficacité militaire du Hezbollah face à Tsahal amène à penser qu’il existe des leçons tactiques à tirer de ce type d’organisations (para-)militaires, en particulier dans l’optique d’un combat futur qui sera probablement hybride, entre haute intensité et stabilisation, en tout cas plus violent que les guerres actuelles. En effet, la techno-guérilla, qui n’est pas propre au Hezbollah, ni aux groupes islamistes en général (l’armée suisse à pu être considérée comme relevant en partie de ce concept), offre à des unités d’infanterie légère une nouvelle valeur tactique y compris en haute intensité, où traditionnellement on considère que les unités blindées-mécanisées sont dominantes. Concept jusqu’ici appliqué en défensive « pure », la techno-guérilla couplée à des moyens de projection stratégique (avions de transport type A-400M ou C-17, par exemple) et opérative/tactique (véhicules blindés à roues type VAB ou Stryker) offre de nouvelles possibilités tactiques à l’infanterie légère (i.e. non mécanisée), y compris dans une optique « expéditionnaire », donc de nature plutôt offensive : la possibilité d’opérations de type « saisir et tenir » n’est pas tant ici concernée (la moitié de la mission est défensive) que la possibilité de renouveler l’infiltration (type stosstruppen allemandes de 1917-1918) selon des modalités différentes et de déstructurer l’adversaire. Elle offre également une piste pour enrayer l’accroissement faramineux des coûts des matériels terrestres actuels et en projet, dont le FCS (Future Combat Systems) de l’US Army et l’EFV (Expeditionary Fighting Vehicle) des Marines ne sont que les exemples les plus flagrants. Enfin, ces unités d’infanterie légère, surtout si elles comprennent des « commandos » de type GCP/GCM ou SAED français, permettraient de prendre en compte, dans une optique de stabilisation, la majeure partie des missions des forces spéciales, qui se trouveraient ainsi mieux employées pour des missions de type opératif/stratégique.
Comme toute adaptation tactique, celle-ci nécessiterait une adaptation des structures de forces. Ici, il faudrait certainement repenser la répartition et la nature des armes d’appui : la pertinence d’une compagnie d’appui « boite à outils » intégrée combinée à un appui au niveau brigade n’est pas forcément évidente dans cette optique, alors que l’intégration au niveau GTIA de sous-groupements spécialisés (appui-feu, reco, génie) et la création de sous-groupements « contact » self-contained, disposant notamment d’appuis mortier, antichar et antiaérien organiques est sans doute mieux adaptée aux problématiques de dispersion et d’autonomie des petites unités que suppose la pratique de tactiques de techno-guérilla. Les échelons supérieurs (GTIA/Brigade) s’occupant alors plus de « grande tactique », en particulier en organisant « l’espace-temps » de bataille, et de l’indispensable logistique.
Bien sûr, les idées exposées ici ne sont qu’une ébauche. Je m’efforcerai, au fil du temps, de préciser les structures de forces et les tactiques possibles. Mais la techno-guérilla est indisctuablement une source d’inspiration pour réformer nos armées et les adapter tant aux nouvelles conditions du champ de bataille (voir à ce sujet le billet précédent) qu’aux missions de contre-insurrection, où il serait ainsi possible de retourner les méthodes de l’adversaire contre lui.
Sur le plan stratégique, la guerre de l’été 2006 a remis en cause pour la deuxième fois l’idée selon laquelle Israël ne peut pas perdre une guerre. Et la deuxième fois contre des forces libanaises. Liban pour lequel, je me souviens, les Israéliens n’avaient que mépris.
Il me semble opportun d’ajouter ici deux idées particulières quant à ce concept de techno-guerilla.
La première est issue de ce que certains de famille ont vécu, en Indo, ou en Algérie. Il est évident que, dans un combat que beaucoup aiment à appeler asymétrique, la présence de forces spécialistes des opérations coup de poing est nécessaire. Les GCMA en Indochine, ou les Grouco en Algérie ont montré leur efficacité militaire. On connaît les limites politique atteintes par ces structures, notamment en Algérie, mais dans le cadre de l’Afghanistan, une organisation similaire pourrait être efficace.
Le second point d’intérêt est le concept de mobilité des forces. L’armée soviétique s’en est rendu compte entre 79 et 89: les blindés lourds sont trop prévisibles face à des rebelles rustiques. La « nouvelle cavalerie aéroportée » utilisée par les Marines au Vietnam, et dans une bien moindre mesure en Algérie, montre l’importance de l’hélicoptère pour se déployer vite, dans des endroits imprévus, frapper avant de repartir, ou progresser.
Enfin, il semble que la techno-guerilla corresponde plus à une guerre de harcèlement qu’à une guerre de stabilisation, comme l’Otan cherche à la mener en Afgha…
Bonne continuation, bon vent, bonne mer.
Baille au net
@ ZI :
Effectivement, la techno-guérilla est en partie issue d’une intense réflexion s’étant développée dès la fin des années 60, en France et en Allemagne, autour de la possibilité de dissuader une aggression soviétique éventuelle par la perspective d’une guérilla permanente mais employant des armements de haute technologie (un missile antichar par buisson, ou quelque chose de ce genre). Ce courant à été développé en France par le Chef de Bataillon Guy Brossolet (Essai sur la non-bataille), si je ne me trompe pas (cet essai lui a d’ailleurs valu sa carrière, car remettant en cause la sacro-sainte dissuasion…), mais surtout en Allemagne par… des écologistes, qui espéraient ainsi développer une sorte de dissuasion par la masse censée remplacer la dissuasion nucléaire. Les modèles cités à l’époque étaient la Suisse, la Finlande et la Yougoslavie. Mais ces travaux n’ont, à ma connaissance, pas été traduits.
Je ai perdu la source mais il semble que la techno-guerilla ressemble beaucoup à des concepts datant des années 70/80 développés en France et en Allemagne.
Helas, je serais bien incapable de retrouver les références.