Armer les navires de commerce ?
En dépit des efforts des forces navales de diverses parties du monde, les pirates somaliens n’ont cessé d’accroître le nombre de leurs attaques, mais ont surtout d’année en année accru leur rayon d’action, comme le montre la carte ci-dessous (via Wikimedia Commons) :
Succès d’image pour les promoteurs de la PESD/PESC, comme à vrai dire toutes les opérations de l’UE effectivement menées (« Artémis » en RDC, EUFOR Tchad/RCA) indépendamment de leur résultat stratégique réel, l’opération « Atalante » a pu enrayer certaines des attaques, mais pas toutes et encore moins la piraterie elle-même. Au vu des ressources limitées des marines de guerre européennes, les ressources « consommées » par les opérations de lutte anti-piraterie représentent une part importante des moyens disponibles tant en bâtiments de surface qu’en moyens de surveillance maritime. Si elles donnent aux marines européennes une opération « structurante » leur permettant de défendre, pour le moment, leur budget en jouant pour celles-ci le rôle joué, en France, par l’Afghanistan pour l’armée de Terre, elles coûtent cher pour des résultats dérisoires. En outre, comme pour l’Afghanistan d’ailleurs, ériger en mission majeure de telles opérations est un pari de court terme, qui risque de se traduire une fois ces opérations finies par des coupes budgétaires encore plus sévères.
Aussi faut-il sans doute poser la question de l’armement des navires de commerce, mais selon des modalités différentes de celles habituellement retenues (SMP, etc.). Combien coûterait à la France l’équipement sinon des 1400 navires de commerce opérés par des armateurs français, au minimum de ceux susceptibles de naviguer dans des eaux dangereuses, en systèmes d’armes ? Un armement restreint, mais dissuasif (deux canons de 20mm ou mitrailleuses de 12,7mm téléopérés, un système par flanc) servi par quelques agents de sécurité salariés par les compagnies maritimes coûterait-il moins cher que la présence de plusieurs frégates ? La question mérite d’être posée : prêtés par l’État aux armateurs, les armements pourraient demeurer propriété publique, et démontés après chaque passage dans une zone dangereuse (ce qu’autorisent les armements téléopérés), tandis que, salariés par les compagnies maritimes, leurs servants (ou simplement une éventuelle équipe de sécurité) pourraient avoir un statut de réservistes, qui seraient alors « mobilisés » le temps du trajet et démobilisés immédiatement ensuite, mais tout en continuant d’être payés par les compagnies (qui pourraient compenser la dépense en négociant, avec l’appui de l’État, une diminution de leurs polices d’assurance). Ces propositions ne tiennent aucun compte du droit international maritime, et sont surtout destinées à créer un débat. La question est de savoir s’il est possible, sans privatiser la sécurité maritime, de dégager de missions largement stériles sur le plan stratégique les moyens de plus en plus restreints de la Marine, tout en ayant un effet dissuasif sur les pirates (d’où le choix d’un armement létal). Qu’en pensez-vous ?
Par ailleurs, pour ceux qui veulent suivre la piraterie et son évolution, je ne peux que conseiller l’excellent blog américain EagleSpeak, toujours très documenté et probablement la meilleure source en ligne sur le sujet.
@ Antoine/AFS
Point par point :
1/ Cela aurait pu constituer une réponse au départ; mais maintenant il me semble douteux que les pirates renoncent au gain représenté par les rançons (plusieurs millions de dollars) pour retourner à des activités de pêche. Le seul moyen d’y parvenir serait d’accroître jusqu’à le rendre insupportable le risque mortel représenté par la pratique de la piraterie, et simultanément de faire appliquer une interdiction de pêche par les flottes européennes et asiatiques (essentiellement). On en est aujourd’hui loin; mais la piraterie limite néanmoins la pratique de la pêche par les dites flottes européennes et asiatiques…
2/ Effectivement, cela serait une forme d’assurance publique. Cela dit, l’État se doit de défendre ses citoyens et leurs biens; c’est donc bien au contribuable de payer au moins en partie (l’équipement par exemple pourrait être fournit gracieusement).
3/ La solution est techniquement faisable, et une fois le navire câblé pour que l’armement soit contrôlé depuis la passerelle, on peut démonter les armes elles-mêmes en quelques heures, sans même devoir stopper le navire : il ne s’agit pas de démonter tout le système…
@ Sonia :
La convention de Montego Bay n’interdit pas à un Etat de disposer une force de protection sur un navire de commerce (quelle que soit son pavillon d’ailleurs je pense), cela participe-même à la lutte contre la piraterie qui est une obligation de la convention; à partir de là en dotant d’un contrat de réserviste et en « activant » les agents armés le temps de traverser la zone dangereuse, tout cela peut demeurer légal. Et cela coûterait considérablement moins cher qu’un seul mois de mer par une seule frégate de surveillance (en incluant les salaires, le carburant, etc.); et les FS sont des navires économiques !
Cela dit, effectivement j’aimerais l’avis d’un juriste sur la question.
Quelques remarques:
Dans l’hypothèse que le droit international maritime autorise l’armement des navires de commerce (ou la présence d’hommes armés, il me semble que la France ne pourrait armer que les navires d’armateurs Français sous pavillon français or de nombreux navires sont sous pavillon français (enregistrés au RIF : Registre International Français à Marseille) mais appartiennent à des armateurs étrangers.
Par ailleurs je ne pense pas que la convention de Montego Bay autorise la présence d’hommes armés à bord. Il me semble que seul le capitaine peut être armé (et encore l’arme doit être dans un coffre), il faudrait alors créer une commission spécifique pour attribuer des permis exceptionnels ce qui au final reviendrait tout aussi cher !
Bref beaucoup de suppositions, il faudrait qu’un juriste apporte son expertise à ce commentaire.
1/ Une solution pouvant potentiellement limiter la piraterie serait d’empêcher la pêche par les flottes « occidentales » avec pour conséquence d’augmenter de facto les prises des pécheurs de la région, éliminant ainsi une des raisons poussant les Somaliens à se convertir à la piraterie.
2/ L’augmentation de la participation des armateurs serait parfaitement logique car pourquoi l’État (et donc le contribuable) devrait défendre des navires pouvant prendre une route plus sûre (bien que beaucoup plus longue, mais vu le prix des assurances, etc…).
3/ Je ne pense pas que la solution de l’armement amovible soit une solution car le démontage d’armes et leur retrait du navire b(à moins que vous ne pensiez les laisser à bords, ce qui me parait difficile du point de vue du droit (dont mes connaissances sont à peu près nulles)) requérait une logistique importante ou un passage par un port incompatibles avec la recherche de rentabilité des armateurs.
Bonsoir
au cours des deux conflits mondiaux la Marine avait mis sur pied l’AMBC (armement militaire des bâtiments de commerce) l’armement était servi par des marins d’état, bien souvent des réservistes.
L’équipement envisagé étant simple de mise en oeuvre ne se posent que les problèmes juridiques (le plus facile à mon sens) et celui des réservistes… là où le bât blesse !
les équipages français se faisant rares… il faut donc envisager d’appeler des réservistes, lesquels ne peuvent être que volontaires (cf statut de la réserve…)J’ai comme un doute sur la possibilité d’armer 4 canons de 20 plus/ou quelques 12,7. sans parler de la répugnance de la marmar a s’armer !
Atalanta n’est qu’un cache sexe de l’ineptie utopique qu’est la politique de Défense européenne, la réalité est que nous n’avons plus la volonté d’agir en mettant les moyens, si pour la Marine Nationale nous sommes présents en limite de charge, où sont les 27 ?
5 ou 6 pays mettent en ligne un bâtiment à part çà ? les bénéficiaires du commerce mondial (voir du côté des intéressés), sont bien modestes dans leurs contributions eut égard à leurs capacités financières !
la solution passe peut-être par une contribution financière des Etats bénéficiaires pour financer les moyens !!!