Pourquoi il faut soutenir l’industrie automobile
Dans la crise économique actuelle, l’industrie automobile est sans doute l’une des plus menacée. Mais c’est également l’une de celles qu’il faut à tout prix soutenir. Il s’agit en effet d’une industrie stratégique à plus d’un titre. Depuis toujours, en effet, les entreprises de construction automobile sont à la pointe de l’innovation industrielle. Du fordisme au toyotisme, en passant par l’automatisation des chaînes de production, d’innombrables innovations en matière industrielle y sont nées, et nombre de celles-ci sont « duales », c’est à dire qu’il est possible d’en faire un usage tant civil que militaire. Pour prendre un exemple historique, la mobilisation industrielle française en 1914-1918, la mobilisation industrielle américaine pendant le second conflit mondial ont largement tiré parti des savoirs-faire industriels des grands constructeurs automobiles, ceux-ci se convertissant dans le cas américain à la production d’avions, mais faisant également bénéficier la construction navale des compétences en matière de production en série dont ils disposaient, jouant ainsi un rôle majeur dans la bataille de l’Atlantique, par exemple.
La conservation d’entreprises de construction automobiles de haut niveau va donc au delà que la simple préservation d’entreprises nationales prestigieuses, ou de la seule sauvegarde d’emplois, même si ces raisons à elles seules justifient de soutenir l’automobile. Il existe un véritable intérêt stratégique à conserver des entreprises qui sont des pépinières de talents et d’innovation industrielle, et il est essentiel que le gouvernement soit prêt à tout faire pour défendre l’industrie automobile française.
@ Laurent
Je suis d’accord sur le fond. Le principal problème (et l’aspect assez insupportable) du dossier du « Monde », et de manière générale des articles consacrés à l’automobile dans ce journal, est une orientation assez « bobo parisien » dans la conception promue de la voiture et, comme souvent dans les articles d’anticipation, une vision monolithique de l’avenir, qui ne serait fait que de changements absolus de paradigmes, en l’occurence du passage radical de la « civilisation de la bagnole » à une ère du transport en commun où la voiture ne s’envisagerait que sous l’angle du co-voiturage et de la location ponctuelle. Cela me semble tout aussi irréaliste que la poursuite sur la lancée actuelle. A mon sens, l’automobile de demain sera à plusieurs vitesses, avec d’un côté une approche plus utilitariste et de nouvelles formules de possession/usage des véhicules, mais en préservant (parce qu’il y aura toujours un marché) une part plus « passionnée » qui ressemblera sans doute davantage au milieu des motards aujourd’hui qu’à celui des automobilistes actuels.
Cela étant dit, les transformations dont parle le dossier vont effectivement contraindre l’industrie automobile à des changements en profondeur, et c’est justement pour cela qu’il faut préserver en France une industrie automobile parmi les plus avancées au monde, afin de tirer au mieux tout le parti (y compris dans ses probables applications militaires) des transformations que subira, demain, ce secteur. Il me semble particulièrement important de préserver les capacités de R&D. Mais effectivement, il ne faut pas sombrer dans le soviétisme, mais contraindre les industriels à se repenser.
Certes, il convient de réfléchir à sauver cette industrie, mais certainement pas en l’état ! Ou alors on fait du soviétisme de la pire espèce, alors qu’il me semble que l’heure est à un certain « darwinisme économique », libéralisme oblige… Ces dernières décennies (!!) on a laissé délibérément mourir des industries autrement plus importantes (à tous points de vue) au nom de la sacro-sainte doxa libérale.
Sauver l’industrie automobile, donc, certes, mais il convient alors de réfléchir en profondeur aux moyens de la transformer – en profondeur, là encore – pour, au passage, la sauver (et sauver les milliers d’emplois qui en dépendent).
« Le Monde » de ce soir contient un gros dossier qui ne me semble pas mal fait du tout (mais je n’ai pas tout lu) et fait le point non seulement sur la crise du secteur en tant que telle, mais aussi sur les problèmes véritablement CIVILISATIONNELS que cela pose : 70 de civilisation de la « bagnole », avec des conséquences politiques, sociologiques, géopolitiques, et même anthropologiques, philosophiques, voire psychanlytiques ; cela ne s’élimine pas facilement, mais cela ne se conserve pas à tout prix non plus, car cette civilisation a AUSSI produit beaucoup de mal. Ainsi, l’univers social et mental des consommateurs d’automobiles évolue à grands pas et quitte peu à peu le monde de la sacro-sainte « bagnole » issu des années 50 triomphantes pour aller vers des attitudes bien plus utilitaristes. Et je n’évoque même pas là les problèmes écologiques, qui sont bien réels (et je ne suis pas un « vert », loin de là !). Là comme ailleurs, nous sommes à un tournant civilisationnel majeur (dans lequel va d’ailleurs s’insérer une mutation/révolution militaire, comme ce fut le cas entre les 15e et 18e siècles) qui va nécessiter de jeter aux orties notre confort mental et notre flemme intellectuelle…
Bonjour,
Je viens de mettre en ligne un résumé approfondi de la Théorie de René Girard qui apporte des réponses inédites aux mécanismes universels de la violence humaine individuelle et collective depuis l’aube des Temps et qui, plus que jamais, est d’actualité dans le monde d’aujourd’hui où les « rivalités mimétiques » s’exacerbent de plus en plus.
Cette Théorie majeure, reconnue aujourd’hui comme étant aussi fondamentale pour la connaissance de l’Humanité que la « Théorie de l’origine des espèces » de Darwin, permettra à tous de comprendre les « ressorts secrets » des « mécanismes cachés » qui nous gouvernent « …depuis la fondation du monde… »
Bonne continuation pour votre travail
Cordialement
@ Jean-Yves
Je pense que vous êtes bien dur avec l’industrie automobile, mais effectivement il ne faut pas se limiter à celle-ci. Dans un commentaire précédent, je citais la construction navale. Il faut également citer l’aéronautique, mais aussi d’autres industries plus récentes, particulièrement dans le domaine informatique. En fait, il faut bien se rendre compte que de plus en plus d’industries sont de facto hybrides. Il est à mon avis important que l’Etat envisage une véritable politique stratégique industrielle, en identifiant les capacités clés à préserver à tout prix. Dans tous les cas je partage votre approche orientée vers la R&D, ce n’est effectivement pas en agissant sur la trésorerie seule qu’il est possible de soutenir durablement l’industrie automobile. Quant aux sous-traitants, ils font pour moi partie d’un tout et sont d’autant plus importants qu’ils peuvent constituer un tissu d’entreprises véritablement hybrides (civiles/militaires), bien plus effectivement que les « grands noms », à savoir les constructeurs (Renault et PSA principalement, en France). Mais quant je parle d’industrie automobile, je ne me référais pas seulement à ces derniers mais bien à l’ensemble des acteurs économiques du secteur.
Il me semble que vous restreignez par trop la nécessité d’un soutien au seul secteur industriel automobile. Il n’est plus depuis une dizaine d’années aussi innovant, et lorsqu’innovation il y a, elle provient non des donneurs d’ordre, mais des sous-traitants de premier rang. Les « constructeurs » ne sont plus que des assembleurs, et les dirigeants ne font guère autre chose que gérer la trésorerie, d’où la répercution immédiate de la crise financière sur le secteur.
Nous n’avons plus en France de capitaines d’industrie, et surtout, la France n’aime pas son industrie, ce qui est bien pire encore.
Soutenir l’industrie, oui, mais en passant une commande claire. Un exemple pour mon propos : soutenir l’industrie automobile, c’est financer un effort de R&D sur un objectif clair : la commercialisation en 2012 d’une voiture 5 places consommant moins de 4 litres en ville et ne dégageant pas plus 80 g de CO2 au km. Le plan actuel se trompe de cible : les industriels français n’ont pas de problème de trésorerie, mais un problème de gouvernance. La trésorerie est devenue le refuge des incompétences à construire le marché de demain doublé d’un court-termisme bien loin des problématiques de défense de la Nation.
@ A.g.
Il est effectivement vrai que l’industrie automobile actuelle n’est plus celle de 1941, ni même de 1980 d’ailleurs, et que de la même manière l’industrie de défense a fortement évoluée, mais ce n’est pas tant la reconversion de l’une en l’autre que j’avais en tête. Je pense que l’industrie automobile est stratégique (ce qui est plus large que les seules applications de défense, en fait), non tant pour d’éventuelles applications militaires directes (quoi que : nombre de matériels militaires sont des « hybrides », le VBL ayant à l’origine le groupe moteur de la 505, par exemple, et nombre de camions blindés actuelles étant sur châssis civils, ce qui n’est pas une nouveauté mais reste vrai) ou pour relancer une guerre industrielle que pour les capacités d’innovation dont a su faire preuve l’industrie automobile. Ce sont ces innovations techniques ou technologique, et la culture de l’innovation industrielle propre à l’industrie automobile qui sont stratégiques à mon sens, comme le sont ceux de la construction navale, autre industrie stratégique mais que je n’ai pas évoquée car il me semble que le gouvernement français à mieux pris la mesure de son importance (par des aides aux chantiers de Saint-Nazaire au travers de la commande de BPC, par exemple). C’est cela, bien plus qu’une hypothétique capacité de production, qu’il est à mes yeux essentiel de préserver – et de développer.
Je ne crois pas que l’industrie automobile soit aussi cruciale à notre époque pour l’industrie militaire qu’elle l’était pour celle de la première ou seconde guerre mondiale.
La production en grande série de voiture n’est plus aussi prépondérante dans un conflit moderne même si la tendance au retour a une rusticité des matériels semblent se dessiner. La faculté de produire en grand volume est toujours bien sur nécéssaire ce que je veux dire c’est que je doute que la chaine d’une 407 soit aussi adaptable aux matériels militaire actuel que celle de général motors en 1941.
L’internationalisation des moyens de production la rends aussi plus fragile. L’abandon de la production de matière première (acier) ou d’ électronique grand publique me semble autant sinon plus préjudiciable aux intérêts nationaux et n’a pas déclenchée de plan de sauvetage. Que l’économie ait une grande dépendance avec ce secteur et que celà nécessite un soutient contre les troubles que sa disparition provoquerait je vous rejoins. Sur l’aspect militaire je ne pense pas.