Les armées françaises en déficit de réflexion capacitaire
Ce billet a été publié comme éditorial hebdomadaire de l’Alliance Géostratégique, et est également disponible sur le site de l’Alliance.
L’annonce, dans le cadre du plan de relance de l’économie, de la commande anticipée d’un troisième Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) aux chantiers de Saint-Nazaire ne doit pas faire illusion : si les BPC sont des bâtiments fiables et qu’ils représentent un investissement modéré au regard de leur taille, ils n’en sont pas moins le reflet des carences françaises en matière de réflexion capacitaire. En effet, les réelles innovations (propulsion électrique en particulier)et les capacités bien réelles qu’ils apportent ne doivent pas masquer leur faible capacité d’emport : 450 hommes (soit deux sous-groupement tactiques interarmes à peine) et une soixantaine de véhicules (1 000m2). A eux trois (et même à quatre), à supposer qu’ils puissent être disponible simultanément, les BPC suffiront à peine à débarquer et soutenir pendant une durée suffisante (deux à trois semaines) un groupement tactique interarmes (niveau régiment). La comparaison avec les navires de même types construits à l’étranger est à ce titre révélatrice : la classe Dokdo sud-coréenne peut emporter plus de 700 soldats, pour un emport en véhicules similaire (mais moindre en hélicoptères). Les futurs LHD de classe Canberra australiens pourront embarquer plus de 900 soldats (un bataillon entier), plus de véhicules (2000m2) et autant d’hélicoptères. Les capacités américaines, bien sûr, sont écrasantes, avec près de 1 900 Marines embarqués, une trentaine d’hélicoptères et d’avions et une capacité de transport de véhicules comparable aux Canberra. Ces chiffres, pour désavantageux qu’ils soient, ne seraient pas rédhibitoires si les BPC étaient destinés à opérer accompagnés d’un LPD (Landing Platform Dock, Transport de Chaland de Débarquement – TCD – en France), autrement dit d’un dock flottant destiné à compléter leur capacité de transport, ou de moyens plus lourds (de type sealift américain) apte à déployer rapidement des forces de second échelon. La réflexion capacitaire, en l’occurrence la mise en place de groupes amphibies aptes à mettre en œuvre les capacités aéroterrestres nécessaires, primerait alors sur l’acquisition de plate-formes. Hélas, tel n’est pas le cas, et les BPC sont mieux adaptés aux opérations humanitaires ou aux évacuations de ressortissants qu’aux opérations amphibies dépassant le raid de niveau sous-groupement en environnement modérément hostile (les BPC sont construits aux normes civiles). Un navire disposant de capacités supérieures, construit selon le même concept, n’aurait pourtant guère été plus cher.
Cet exemple n’est qu’une illustration parmi d’autre de l’absence, au sein des armées françaises, d’une véritable pensée capacitaire, autrement dit d’une véritable stratégie des moyens (l’expression est due au général Poirier).Ce constat pourrait s’appliquer à l’aérotransport, qu’il soit tactique ou stratégique. Les cinquante A-400M pour l’heure projetés (mais dont l’avenir est de plus en plus incertain) offrent certes de nouvelles possibilités tactiques (comme celle de mener un raid aéroporté lointain de type Kolwezi sans escale) mais leur capacité d’emport est inférieure à une compagnie parachutiste (ce qui complexifie la planification), et leur nombre semble restreint pour une nation ayant des ambitions mondiales. En outre, leur gabarit les rend peu adaptés aux pourtant vitales (les américains en font chaque jour l’expérience en Irak et en Afghanistan) missions de servitude et de logistique infra-théâtre, et leur prix unitaire (100 millions d’euros soit autant qu’un Rafale) étant par ailleurs élevé pour des appareils supposés effectuer des posés d’assaut (et d’autant plus important qu’un appareil de transport est essentiellement une soute à laquelle on adjoint un cockpit, des ailes et des moteurs). La coopération européenne ou otanienne en matière de capacités apparait alors, au delà des discours politiques de façade, pour ce qu’elle est : un moyen de cacher la misère en regroupant des capacités que les États européens n’ont plus la volonté politique (la question budgétaire étant politique bien avant que d’être financière) de maintenir en national.
In fine, et au delà des budgets et des qualités de tel ou tel matériel, ces exemples illustrent surtout les limites d’un processus d’acquisition où les plate-formes, autrement dit les artefacts techniques, priment sur les capacités recherchées, la lourdeur et la durée des phases de conception et d’acquisition des matériels obligeant ensuite à les faire durer plusieurs décennies. Une approche nouvelle doit se faire jour, où les capacités – définies en amont au terme d’un processus de réflexion doctrinal – doivent présider à la conception des matériels, ceux-ci étant en outre conçus dans un esprit de juste suffisance, et non – comme c’est aujourd’hui le cas – les matériels imposer des limites aux capacités. La cohérence de l’outil militaire, et au delà sa crédibilité politique, sont en jeu.
@Stent
Votre critique de la stratégie des moyens française est fondée sur l’idée que les dirigeants français cherchent à mettre en oeuvre un instrument d’invasion au même titre que leurs confrères américains et australiens. On critiquera plus justement la mauvaise exécution de la stratégie des moyens qu’un manque d’adéquation au regard des missions attribuées à l’Armée française.
C’est l’intervention de Frédéric qui ouvre le vrai débat: Quelle Armée pour quelles missions? Là, on peut faire deux constats inquiétants.
Du point de vue des missions, nos dirigeants n’envisagent d’autres actions militaires que les actions légitimes et prestigieuses. Or, ils ont catalogué toute invasion comme une actions illégitimes et fonde la défense territoriale sur la seule force de dissuasion.
Du point de vue du modèle, nous devons accepter notre faiblesse et l’intégrer dans nos doctrines. Il nous faut réapprendre à improviser des moyens de projection. Nous devons développer nos capacités de guerre indirect.
@ Frédéric
Que le Pentagone ait du mal à financer une nouvelle génération d’équipement – le programme FCS par exemple – ne veut pas dire que l’armée américaine ne soit pas dotée de la génération d’équipement actuelle en quantité suffisante. Cette génération a-t-elle une qualité suffisante pour combattre des partisans? Les soldats français répondent de manière affirmative – et envieuse – quand ils rencontrent les soldats américains dans un théâtre d’opération comme l’Afghanistan…
Vous confondez l’équipement d’une armée – celle qui combat aujourd’hui en Irak et en Afghanistan – avec l’équipement requis hier par la volonté d’alors – celle de Reagan – de pouvoir mener deux guerres conventionnelles ou plus. La réduction de voilure de l’armée de l’air et du tonnage de la flotte américaines n’ont pas aujourd’hui les conséquences qu’elles auraient eues hier sur les capacités de l’Amérique de mener les conflits auxquels elle veut se préparer. Ces conflits ont changé depuis Reagan; votre question « quelles forces pour quels objectifs » tombe à pic…
Que l’armée française n’ait qu’une dizaine d’hélicoptères en Afghanistan ne m’incite pas au découragement. Notre armée pourra d’autant moins contribuer au massacre de civils ordonné par le général Craddock 1. Au risque de mettre à mal votre moral déjà entamé, j’insiste sur le fait que les chefs de l’armée française ne se sont pas révoltés contre cet ordre, contrairement à leurs pairs allemands.
1 le général Craddock (http://en.wikipedia.org/wiki/Bantz_…) a ordonné au début de l’année 2009 aux troupes alliées présentes en Afghanistan de tuer, dans les zones insurgées, toutes les personnes impliquées dans la culture et le commerce des drogues, sans vérifier si elles étaient ou non liées à l’insurrection (www.voltairenet.org/article159045.html).
Cette ordre confidentiel a été révélé par le magazine allemand der Spiegel le 28/1/2009 (http://wissen.spiegel.de/wissen/dok…), ordre contre lequel se sont insurgés la classe politique et le commandement militaire allemands (www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,605713,00.html)
Je revient sur cette phrase :
S’il est un seul pays au monde dont la politique d’équipement est en phase avec la stratégie, c’est bien les États-Unis
Même eux ont des problèmes, voir leur programme FCS qui à fait la culbute, la réduction de leur flotte de porte-avions, la réduction de voilure de l’USAF, ect… Leur objectif sous l’ère Reagan était de pouvoir faire 2 guerres conventionnelle et demie. Et la, avec 2 insurrections, les grunchs sont à leur limites.
Sinon, quels forces pour quels objectifs ?, c’est cela qui compte. Défense continentale contre un retour de l’armée rouge ? Force expéditionnaire capable d’écraser un gouvernement hostile ou d’aider un ami ? Maintien de la paix ou imposition de la paix ?
Quand je pense qu’en Afghanistan, on aura un maximum de DIX à ONZE hélicoptères pour soutenir nos biffins alors que notre pays abrite l’une des meilleurs industries aérospatiales de la planète, c’est vraiment une incitation au découragement.
@ Stent
Votre tache de modérateur est délicate; vous vous en acquittez fort bien et je vous sais gré de m’accorder loyalement un droit de réponse aux reproches que vous me faîtes en toute franchise. Je comprends par ailleurs votre désir de ne pas faire de votre forum l’arène d’un combat politique. Mais comment faire l’impasse sur la politique qui détermine les choix militaires dans un régime démocratique?
Une citation est, par définition, sortie d’un contexte. Ceci permet au rhéteur tendancieux de donner à celle-ci un sens contraire à celui que lui donna la personne citée. Cette dernière peut, sans malice d’ailleurs, s’être exprimée de telle façon que des personnes dont les points de vue diffèrent interprètent, sans plus de malice, son propos de diverses manières… C’est pourquoi je ne me suis pas contenté de citer la vidéo à laquelle vous vous en prenez; j’ai aussi fait référence au livre de Christopher Story par exemple. En ignorant une telle référence vous sortez mon propos de son contexte, c’est-à-dire la connaissance que j’ai des intentions déclarées des politiciens. Vous réduisez ainsi mon propos à une interprétation tendancieuse d’autres déclarations de ces politiciens – celles de la vidéo.
Je me base sur les intentions déclarées des politiciens; mon observation de l’évolution de l’Europe me conforte dans la conviction que ces derniers n’ont pas parlé en l’air. Etant par ailleurs – je le reconnais volontiers – un piètre analyste, j’ai pris la précaution de citer la conférence du professeur Pierre Hillard dans mon message précédent; je vous invite à réfuter son analyse de l’évolution européenne et de la construction d’un gouvernement mondial. Vous pourrez aussi à loisir écorner la théorie complotiste d’Aymeric Chauprade 1 professeur au Collège Interarmées de Défense jusqu’au conflit qui l’opposa au ministre de la Défense Hervé Morin 2. En remontant dans l’histoire, Chauprade, comme Hillard, nous rappelle que « les morts gouvernent les vivants » 3.
Je vous suis reconnaissant d’avoir préparé votre réponse à mon dernier message avant de publier celui-ci dans votre site. Vos lecteurs ont ainsi pu lire mon message et votre réponse presqu’en même temps.
1 Lire l’article « Permanences géostratégiques », notamment le § « Il n’y a pas d’équilibre mondial face au mondialisme américain sans une Russie forte » (où ce qui opposa l’auteur au ministre apparaît clairement) dans http://www.theatrum-belli.com/archive/2009/03/06/aymeric-chauprade-permanences-geostrategiques.html
2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Aymeri…
3 Auguste Comte, philosophe qui fonda le positivisme
@ Denis Jaisson
Vos observations n’engagent que vous.
Ce que vous présentez, selon un processus discursif classique comme des faits ne sont au contraire que des opinions. Autrement dit, vous partez d’un paradigme de départ (pour vous citer que « les gouvernements européens, à quelques exceptions près, œuvrent à la dilution de leurs nations », par exemple), qu’ensuite vous étayez par des « preuves » dont la validité est pour le moins discutable : extraits de discours politique sortis de leur contexte et juxtaposés pour leur donner un sens différent de leur sens originel (ainsi du « gouvernement mondial », les extraits vidéos du président de la République vers lesquels vous renvoyez (note 4) proviennent de discours évoquant la gouvernance économique par concertation des États, ce qui constitue difficilement une « dilution des nations », etc.), articles qui n’ont pas d’autre valeur que de donner l’opinion de leur auteur, etc. Ce faisant, vous commettez une erreur de méthode d’analyse : celle-ci doit partir des faits pour reconstituer la globalité, et non l’inverse. J’ajouterai que dans votre cas vous ne partez pas d’une globalité, mais d’une perception – que je respecte mais qui vous appartient – de cette globalité. Je conteste donc non seulement le fond de votre lecture mais sa méthode, qui étant erronée en invalide les conclusions.
J’ajouterai que des formules comme « ne vous est pas inconnu » ou « vous me l’accorderez volontiers » relèvent là encore d’un procédé discursif banal visant à donner l’impression à l’extérieur sinon que je partage votre point de vue à tout le moins qu’il existe une forme de connivence ou de convergence entre nous, que « je sais bien de quoi vous voulez parlez ». Au cas ou un doute subsisterait dans votre esprit, cette connivence n’existe pas.
Enfin, ce blog n’est pas un forum politique. Libre à vous de défendre les opinions qui sont les vôtres, mais ce blog n’est pas le lieu adapté pour l’énoncé de thèses reposant sur une analyse déficiente et ne constituant donc qu’une opinion, ni pour le prosélytisme insidieux que vous opérez pour celles-ci au travers des invitations à « s’informer » en consultant les liens que vous fournissez. Je vous prierais désormais de ne publier des commentaires que lorsque ceux-ci se rapportent directement au sujet du billet, sous peine de modération.
Enfin, rassurez-vous : le gouvernement mondial est une idée qui est dans l’air depuis la fin de l’Empire romain au moins, et qui ne s’est toujours pas concrétisée. Je ne suis donc pas inquiet de le voir se réaliser bientôt. Il s’agit ni plus ni moins d’un fantasme, que l’on peut parer de toutes les vertus comme de tous les vices, mais qui n’en gagne pas en réalité. Si vous voulez vraiment lutter contre ce que vous appelez la « dilution » des Nations européennes, plutôt qu’accuser les élites, politiques ou autres, posez vous donc la question de savoir ce qui constitue l’essence du concept de Nation et quelle est sa signification.
Bonjour.
Dans la lignée de la Théorie girardienne, je vous propose une analyse remarquable de Lucien Scubla sur le retour des mécanismes du religieux archaïque dans les idéologies modernes depuis les Lumières (Révolution française, nazisme, communisme) et au cœur même des démocraties de manière dégradée. « Peut-on sortir du religieux ? ». Une lecture qui intéressera les spécialistes de Défense travaillant sur les sociétés où l’emprise religieuse est prééminente ; une réflexion qui devrait aussi permettre de mieux appréhender la soif de transcendance inavouée qui caractérise nos sociétés confrontées à une faillite dangereuse de toutes les valeurs permettant l’unité d’un peuple, d’une Nation ou d’une Civilisation. A lire absolument pour sortir de tous les poncifs et comprendre les forces ancestrales qui continuent de nous dominer au quotidien sans même qu’on s’en rende compte…
Une lecture bien entendue strictement anthropologique et non théologique.
@ Stent
Entendons-nous d’abord sur le mot « complotiste » puisque c’est un néologisme. Définissons un « complotiste » comme une personne qui part de l’axiome de l’existence d’un complot et montre… Qu’il y en a un! Sa démarche est intellectuellement indigente – est-il besoin de le dire? Je ne suis pas un complotiste et j’observe ceci …
1) Les gouvernements européens, à quelques exceptions près, œuvrent à la dilution de leurs nations. Ils sont aidés en cela par les sociétés de pensée américaines (think tanks) comme le CFR dont le puissant petit frère, l’ECFR (European Council on Foreign Relations) ne vous est pas inconnu 1. Gorbatchev mit en son temps la main à la pâte; la construction européenne est l’affaire d’une grande famille …
2) Ce travail de subversion antinationale n’est pas caché au public. Vous trouverez dans le livre exhaustif de Christopher Story 2 les déclarations dûment référencées que les chefs d’état européens et leurs pairs américains – l’Europe n’est qu’une étape sur le chemin vers le gouvernement mondial 5 duquel dessein ne font mystère ni Attali 3 ni Sarkozy 4 – ont faites dans les media depuis la fin de la seconde guerre mondiale…
3) On mesure au cynisme dont fait preuve le gouvernement européen en passant outre le non irlandais 6 et celui d’autres nations européennes l’importance de ce projet pour ses acteurs. Un cynisme qui n’a d’égal que la schizophrénie des seconds couteaux de la politique qui, tout en niant qu’il y ait un projet de dilution nationale, défendent celui-ci pour « marcher dans le sens de l’histoire » et « éviter une troisième guerre mondiale » (sont-ils complotistes?)
Vos lecteurs seront plus amplement informés à ce sujet – gouvernement européen et gouvernement mondial – en regardant les conférences passionnantes de Pierre Hillard, professeur de relations internationales à l’Ecole Supérieure du Commerce Extérieur 7. Ils n’apprendront pas, en revanche, que l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne sont « autant de pôles politiques rivaux », puisque ces pays – membres de l’OTAN – pratiquent en gros la même politique extérieure, notamment vis-à-vis du Moyen-Orient et de la Russie – épargnons-nous les divergences de façade et rappelons-nous plutôt la galopade servile de Durban-2… J’insiste sur ceci que le professeur Hillard n’est, lui non plus, pas un complotiste. Il assied ses propos sur ceux des hommes qui œuvrent, qui à la construction de l’Europe, qui à celle du gouvernement mondial – qui à celles des deux… Ses sources sont, entre autres, les publications 8 des organisation que j’ai citées plus haut et qui, sures de la réussite de leur entreprise, affichent leurs intentions sans complexe.
S’il est un seul pays au monde dont la politique d’équipement est en phase avec la stratégie, c’est bien les Etats-Unis; que la stratégie américaine soit la bonne ou pas est, vous me l’accorderez volontiers, une autre affaire…
Il n’y a pas à l’égard de la Somalie un manque de volonté mais une volonté toute autre que la chasse à la flibuste. Je vous suggère encore une fois de lire l’article de Meyssan 9 à ce sujet. Ce dernier montre avec clarté quels sont les intérêts en jeu. Cette chasse au pirate qu’on ferait mieux et vite sur terre ne se réduit pas, comme je l’ai déjà écrit, à la volonté de faire naviguer de concert des marines étrangères…
1 http://www.mouvement-europeen.eu/European-Council-on-Foreign-Relations
2 « The European Union Collective – Enemy of its Member States », Edward Harle Ltd., Londres & New York, 1999
3 http://www.dailymotion.com/video/x67ru_gouvernement-mondial-par-attali_news
4 http://www.dailymotion.com/video/x86i7k_sarkozy-veut-imposer-le-nouvel-ordr_news
5 un projet qui n’est pas nouveau; c’est celui du mondialiste Comenius béatifié par l’UNESCO, http://www.vbru.net/src/avpc/comenius.html
6 http://www.egaliteetreconciliation.fr/index.php?option=com_seyret&task=videodirectlink&id=472&Itemid=153,
7 http://www.dailymotion.com/video/x7z84k_pierre-hillard-vers-un-gouvernement_news
8 http://www.cfr.org/publication/
9 http://www.voltairenet.org/article158809.html
@ Denis Jaisson
Je ne partage pas votre vision « complotiste » de la chose. Je ne crois pas qu’il existe un « grand plan » visant à diminuer les Nations voir les dissoudre dans un État supranational européen. C’était l’un des rêves ayant présidé à la construction européenne, mais il me semble aujourd’hui relever plus que jamais du fantasme. En outre, ce rêve n’a jamais été aussi fort qu’en France, parce que rejoignant une vieille lune de la politique extérieure française, à savoir l’idée que l’Europe politique ne pourrait s’organiser qu’autour de la France. Si cette idée pouvait sembler crédible en 1950, avec une Allemagne démilitarisée et coupée en deux, et un Royaume-Uni exclu, elle est totalement irréaliste en 2009 avec une Allemagne renouant avec la puissance, un Royaume-Uni membre de l’UE et de nouveaux Etats-membres comme la Pologne qui constituent autant de pôles politiques rivaux. Comme vous le voyez, les Etats-Nations sont bien vivants. Ce qui a été abandonné en revanche, c’est la notion même de puissance, qu’elle soit nationale ou européenne d’ailleurs.
Et les déficits de réflexion capacitaire sont bien présents, et se déclinent d’ailleurs à l’identique au niveau européen, mais également dans des pays comme les Etats-Unis qu’on ne peut pas soupçonner de ne pas penser en termes nationaux. Il s’agit là d’un problème d’approche des questions militaires, où le matériel est considéré comme déconnecté de la stratégie alors qu’il n’en est rien.
Quant à la Somalie,il s’agit d’un manque de volonté politique, outre la complexité du problème, plus grande que ce que vous semblez suggérer. Les forces internationales ne sont qu’un pis-aller, un moyen de limiter les dégâts, qui masque surtout l’absence de volonté de résoudre le problème, celui-ci n’étant pas perçu commme mettant en jeu les intérêts vitaux des Nations engagées, et l’investissement à consentir pour le résoudre (une intervention terrestre) étant considéré trop important au regard des gains. La solution alternative, « classique », consistant à pendre haut et court les pirates et à raser leurs bases étant relativement peu compatible avec notre vision humanitariste des conflits.
@ Pam
Le PP30 n’est pas un document constitutif d’une stratégie des moyens, mais un catalogue de programmes. Bien que ceux-ci soient classés par « systèmes de forces », le terme même de système est trompeur dans la mesure où il n’y a pas là de véritable approche systémique. J’irai plus loin : une approche systémique, et une véritable stratégie capacitaire, ne peut se déployer que dans la mesure où il existe une stratégie nationale claire. Cette grande stratégie n’existe pas. En outre, une prospective efficace doit s’ancrer dans une étude extrêmement poussée de l’Histoire militaire. Ce n’est pas le cas non plus, la « prospective » consistant ici à faire de la futurologie à la petite semaine. Enfin, les objectifs capacitaires affichés confondent sans les classer stratégie, opératif et tactique. Le PP30 est donc un document de non-stratégie capacitaire. Un simple exemple : dans le volet « dissuasion », on trouve comme « objectif capacitaire » : « mettre en service les moyens en cours de renouvellement au sein des deux composantes », ou « maintien de la souveraineté nationale ». En aucune façon ces objectifs ne sont capacitaires. Le second est un objectif méta-stratégique, le premier la simple expression d’un besoin matériel. « Etre en mesure de faire débarrquer de vive force, puis de renforcer et soutenir pendant un mois une force aéroterrestre de niveau brigade par voie de mer » constitue un objectif capacitaire. Ce type de formulation ne figure pas dans le PP30, l’objectif de « projection d’un groupement de type blindé léger de 1400 hommes » étant à la fois trop vague (pour combien de temps ? avec une mission d’assaut de vive force ou non ?) et trop précis, la composition et le format du groupement relevant d’un autre type de capacité, à savoir les capacités de combat aéroterrestre de la force débarquée. J’ajouterai qu’un plan de prospective ne devrait pas être le document clé d’une stratégie capacitaire, de la même manière que le récent livre blanc n’aurait pas dû énoncer des « capacités ». La stratégie capacitaire est d’abord l’expression d’une doctrine stratégique (inexistante), opérative (existant a minima) et tactique (existant dans l’armée de terre seulement).
Quant aux programmes internationaux et autres, ils ne sont que le reflet de cette absence de doctrine : lorsque la France se retire du programme d’avion de combat européen pour faire le Rafale, c’est pour des raisons de désaccord capacitaire. On est encore pendant la guerre froide, et la France dispose alors d’une doctrine autonome. Lorsque la France abandonne la propulsion nucléaire pour le PA2 afin de pouvoir développer un programme conjoint avec les britanniques, c’est l’abandon de la réflexion capacitaire au profit d’un symbole politique et d’un choix économique. Il en va de même pour de nombreux programmes d’armement. Une doctrine indépendante est l’expression de la souveraineté nationale. Elle n’empêche pas les coopérations ou les achats à l’étranger. Israël est un bon exemple en la matière : indépendance de conception et de production sur certains matériels (char Markava, VCI Namer, électronique et drones) et acquisitions à l’étranger pour d’autres (F-15 et F-16, hélicpotères, navires, etc.). Le problème se situe dans l’abandon d’une pensée stratégique autonome au nom des économies d’échelle et de l’interopérabilité.
Je me suis fait une réflexion semblable au sujet de l’unique porte-avion français. En un mot j’ai pris pour des imbéciles des gens qui étaient plus malins que moi et cachaient bien leur dessein au public. On devine les intentions de ces gens en matière militaire au su de leur participation au projet européen de dilution des nations…
Il s’agit pour les constructeurs de l’Europe régionale, dans le cas d’une capacité de transport de troupes insuffisante par exemple,
1) de priver la France de capacités autonomes de défendre ses intérêts manu militari,
2) d’amener les français à se rendre à une évidence ainsi fabriquée, selon laquelle nous ne pouvons plus agir seuls – les temps ont changé ma p’tite dame!
3) puis, faute de pouvoir appuyer une politique étrangère nationale au bras d’une armée autonome, de soumettre notre politique internationale à la volonté d’un gouvernement européen avec l’approbation du public…
Autant un porte-avion unique est une idiotie – de l’argent jeté par les fenêtres – autant un porte-avion qui est, disons le numéro cinq d’une flotte multinationale obéissant aux ordres d’un gouvernement européen ou du commandant de l’OTAN impose le respect 1. La capacité de réflexion logistique des chefs militaires français n’est pas en défaut – au contraire – puisque ces chefs font la volonté de dépendance européenne du chef de l’Etat avec un souci de rentabilité à une échelle multinationale…
1 N’est-ce pas une telle flotte qui croise depuis quelques mois au large de la Somalie? La belle opération de propagande que voilà, qui vise un public non averti à qui on fait croire qu’une nation, seule, est incapable d’arrêter une poignée de pirates qu’une section de forces spéciales pourrait désarmer en une opération nocturne sur la côte – mais la manipulation publique n’est pas la seule raison de la présence de cette flotte multinationale; on lira à ce propos l’article de http://www.voltairenet.org/article158809.html avec intérêt…
Bien que je ne sois pas un spécialiste (loin s’en faut…) de ce domaine, il me semble que la réflexion capacitaire occupe un bon nombre de cerveaux au ministère de la défense, et que le produit de ces cogitations s’appelle le PP30. Les EM d’armée ont également leurs bureaux chargés de la prospective sur les matériels, et je ne citerai ici que le BCSF de l’EMAT (conception systèmes de forces si mon souvenir est bon.).
Cela dit, l’existence d’une réflexion capacitaire ne garantit pas que les conclusions en soient scrupuleusement observées. N’oublions pas le temps de développement croissant des programmes, et les montages internationaux byzantins qui permettent de mutualiser (en théorie…) les coûts.
Sur la période de validité d’un PP30 (30 ans), même s’il est revu régulièrement, les sauts technologiques, les revirements stratégiques, et les politiques de défense auront changé de nombreuses fois. Pour la France, il serait impossible de suivre l’exemple américain, puisque les armées US ne dépendant d’aucun partenariat, et que personne ne dicte sa stratégie au gouvernement américain, pas plus que son budget ne le force à des impasses.
Ceci dit, les coups de rabot annuels sur les programmes d’armement ôtent beaucoup de cohérence au système.Petit exemple : heureusement qu’avec le plan de relance la MN pourra s’acheter une nouvelle batellerie, car aujourd’hui les BPC ne peuvent vraiment être déchargés efficacement que dans un port (pour les véhicules) ou par HM(pour les fantassins, évidemment).
@ Laurent
Je ne voulais pas polémiquer, et c’est pour cela que je me suis limité aux ingénieurs. Mais je suis tout à fait d’accord.
Juste un tout petit bémol à ce que dit Stent : le pire, quand on laisse les industriels mener la réflexion capacitaire, ce n’est pas tant que ce sont alors leurs ingénieurs qui mènent le débat, mais bel et bien les industriels eux-mêmes. Or, la fonction d’une entreprise en système capitaliste, c’est de faire du profit. Par conséquent, ils ont toujours intérêt à ce que le client « consomme », beaucoup et cher… La grande stratégie et la défense d’un pays ne comptent alors que bien peu à leurs yeux. Or, les industriels et les ingénieurs (et techniciens) qui sont à leurs ordres devraient idéalement être subordonnés au pouvoir politique (lui-même subordonné à la Nation) et aux « opérationnels ».
Mais, en étant ainsi profondément républicain – et démocrate ! les deux dans les sens français de ces termes -, je ne suis sans doute qu’un doux rêveur, voire un dangereux idéaliste. Il ne fait pas bon vouloir remettre les choses sur leurs pieds, de nos jours.
@ g4lly
Je ne remets pas en cause les qualités propres au matériel. Comme je l’écris, les BPC sont de bons bateaux, et l’A-400M, si il finit un jour par entrer en service, sera sans doute un bon avion. Le problème n’est pas là : il réside dans un manque de vision globale dans la conception et l’acquisition des matériels. Il n’y a pas de stratégie des moyens pensée de a à z en France, pas plus d’ailleurs que dans les autres pays d’Europe. Au delà des mérites et des défauts respectifs des différents matériels, c’est l’ensemble de la réflexion autour des capacités qui se pose : il est temps de cesser de raisonner en termes de plate-forme ou d’objet pour envisager la réflexion capacitaire de manière globale : pour reprendre l’exemple des moyens amphibies ou d’aérotransport, dès lors que notre armée de terre est de format réduit, ces moyens prennent d’autant plus d’importance qu’ils permettent de donner à des moyens forcément limités une certaine ubiquité : projeter un groupement tactique interarmes par mer et un autre par air et être en mesure d’assurer leur soutien dans la durée, c’est à dire pendant au moins trois semaines, semble un minimum. Pouvoir transporter et soutenir par mer une brigade (ce qui ne relève pas de l’utopie, mais qui en revanche suppose une réflexion de fond sur le seabasing, et non uniquement des moyens amphibies proprement dit) démultiplie les possibilités. Si l’enjeu est de pouvoir maintenir en mer (à l’instar des américains) un GTIA prêt à intervenir, alors c’est non pas trois ou quatre BPC qu’il faut, mais bien trois ou quatre groupes amphibies à deux ou trois navires, plus l’escorte. Quel que soit le format, c’est la force projetée qui doit être le point de départ, et non le moyen (navire ou avion) qui projette. De la même manière, lorsqu’on conçoit une frégate de défense aérienne, ce sont les capacités de défense anti-aériennes qui doivent être pensées en premier, puis développées et enfin le bateau construit autour, et non l’inverse. Il en va de même pour les moyens aériens ou terrestres : il faut partir de la capacité pour arriver au matériel. Bien souvent on fait l’inverse, et on se retrouve a renouveler des moyens sans se poser la question des fins. Ce type de raisonnement aboutit en général à abandonner aux industriels la réflexion capacitaire. Or ceux-ci quels que soient leurs mérites pensent en termes techniques avant de penser en termes de stratégie : on aboutit alors à un processus où la technologie domine la stratégie, au lieu d’en être un outil. C’est peu efficace, et à moyen terme dangereux.
L’hébergement a bord des BPC est considéré par les autres marines comme luxueux … on pourrait sans trop se tasser y transporter facilement 900h.
D’ailleurs l’aménagement du BPC3 va être un peu différent dans la ventilation de l’espace PC / Hôpital / Hébergement … en augmentant l’espace réservé a ce dernier … normalement.
Pour l’A400M c’est un peu plus qu’un tas de ferraille … il dispose d’une avionique particulièrement avancé – si un jour ça marche – permettant le suivi de terrain automatique très prés du terrain … des turbopropulseur suffisamment performant pour lui permettre de s’insérer dans le trafic civil – mach +0.8 – … et aussi de de poser et redécoller sur une piste non préparée. Tout un tas de contre mesure qui coutent les yeux de la tête mais sont sensées assurer un voyages sans encombre. Tout ça a un cout … vouloir accoupler un C130 et un C17 et ne pas en faire un dégénéré n’est pas chose facile. Et nos véhicules devenant obèses plus petit c’est trop petit … et plus simple c’est trop dangereux.
Pour les posés d’assaut petit modèle … l’AdA dispose aussi des CASA 235 et 295, et un projet HTH se profile pour nous doter a moyen terme d’un hélicoptère lourd – peut être un dérivé du CH53K -.
Néanmoins il n’est pas sur qu’aujourd’hui ni même demain nous puissions mener sereinement une campagne comme celle des Malouines… c’est dire nos limite capacitaire autant en hommes qu’en matériel.