
Relance du blog et évolution de la ligne éditoriale
Doté d’une nouvelle mise en page et d’une identité visuelle refondue, La plume et le sabre reprend son activité.
Longtemps interrompu, ce blog était devenu la victime de mes autres activités rédactionnelles : dans Défense & Sécurité Internationale, bien sûr, magazine dont je suis le rédacteur en chef adjoint, et dans la revue Histoire & Stratégie du même groupe dont j’assure la coordination éditoriale depuis sa création, et dont j’ai rédigé en intégralité plusieurs numéros ; dans Science & Vie : Guerres & Histoire, aussi, la revue de vulgarisation en histoire militaire du groupe Mondadori France dont je suis conseiller de la rédaction. Dans diverses autres publications, enfin, sans compter les conférences et autres activités d’enseignement, ni les interventions dans des colloques. Tout ceci a, en peu de temps, absorbé mon énergie et mon temps au point de ne plus avoir guère ni l’une, ni l’autre à consacrer à ce blog. Non que l’envie d’écrire ait disparu, mais il m’est apparu qu’il était de plus en plus difficile de concilier la tenue d’un blog sur les questions de défense et de stratégie avec une activité professionnelle dans le même domaine : à la fin de la journée, écrire à nouveau sur des sujets militaires ou associés ressemblait trop à des heures supplémentaires !
Relancer La plume et le sabre n’était donc envisageable qu’à condition d’en faire évoluer la ligne éditoriale et d’en redéfinir les objectifs.
J’entends donc que La plume et le sabre devienne, d’une part, une vitrine de mes différentes activités professionnelles : publications, interventions, seront relayées ici comme un carnet de route, sur une page spécifique. Ceci permettra à ceux qui le souhaitent de me suivre mais aussi et surtout, de disposer d’un point de contact et une plate-forme d’échange, de réaction… voire de critique ! Plus qu’un journal classique, il me semble important qu’un blog puisse être non seulement un lieu où sont formulées et argumentées des idées, mais aussi un moyen de discussions et de débats. J’espère développer cette dimension d’échange, et vous encourage à le faire.
Surtout, je souhaite faire de ce blog le lieu d’une réflexion plus large sur la trajectoire prise par la France, dans tous les domaines et plus seulement celui de sa défense. La réflexion que je conduis sur les questions militaires dans un cadre professionnel n’est en effet pas une fin en soi. L’outil de défense ne peut en effet être que l’un des moyens d’un dessein plus vaste, dont à mon sens les deux axes directeurs s’appellent « Souveraineté » et « Puissance ». Souveraineté nationale et puissance de la France seront donc les deux repères de la réflexion que j’entends désormais conduire ici, et qui ne se restreindra plus à leur dimension « dure », celle du domaine militaire et de l’épreuve de force. Une réflexion stratégique « intégrale », donc, déjà esquissée ici et là mais dont La plume et le sabre sera l’outil principal ; la stratégie, ses méthodes et mes compétences dans ce domaine en constituant l’angle d’approche.
Pourquoi la souveraineté et la puissance ? D’abord, parce que voici deux denrées dont notre pays est aujourd’hui de plus en plus cruellement privé, et surtout se prive de plus en plus, alors même que celles-ci lui sont vitales et sont les fondements de sa liberté comme de sa prospérité. Souveraineté nationale et puissance, en effet, structurent le champ politique au sens large : celui de la vie des sociétés humaines dans tous leurs aspects. La planète entière d’ailleurs est traversée par l’affirmation de souverainetés, parfois aux fondations anciennes, et parfois nouvellement proclamées. Et ces affirmations s’appuient et nourrissent à la fois des volontés de puissance dont le déploiement est intégral, c’est-à-dire simultané dans l’ensemble des domaines de l’agir humain.
Ne pas s’emparer de ces deux concepts, c’est donc bien se priver d’une grille de lecture essentielle, fondamentale, pour comprendre le monde contemporain. Ne pas chercher à les penser et, autant que possible, à les mettre en œuvre, c’est aussi, plus profondément, affirmer que l’on a choisi le repli autarcique ou la dilution de soi : que l’on a dans les deux cas abandonné l’idée de peser sur la marche du monde et que l’on préfère, par faiblesse et par calcul, s’installer dans le confort de la soumission. C’est préférer subir des règles édictées ailleurs, s’accommoder des conséquences sur le monde de l’action d’autres que soi. C’est adhérer au dénigrement, à la négation du politique, généralement au prétexte de son impuissance supposée. C’est, finalement, choisir le confort de l’indignation du spectateur, qui n’engage à rien, plutôt que prendre le risque de se confronter à l’incertitude radicale de l’acteur, qui engage entièrement. Je n’envisage comme possible ni souhaitable aucun de ces choix : reste en conséquence celui d’explorer les moyens, les ressorts et les perspectives qu’offrent la souveraineté et la puissance de la France, conscient qu’ils n’apportent aucune certitude mais convaincu qu’ils sont la seule voie qui fonde l’avenir.
Il me semble nécessaire en outre de contribuer autant que possible à la structuration d’une réflexion pour l’heure disparate. Des initiatives sectorielles existent, et se développent ; des personnalités s’emparent de la question de la souveraineté, en déclinent tel ou tel aspect ; se saisissent du concept de puissance, en livrent leur conception. Mais il n’existe encore que peu de liaisons, et pas assez de continuités et de passerelles entre ces initiatives. J’espère contribuer au travers de La plume et le sabre à la structuration nécessaire d’une pensée intégrale de la souveraineté et de la puissance. Par touches successives et individuellement modestes, bien sûr, mais avec la conviction que le tout qui en sortira sera plus grand – plus puissant – que la somme de ses parties.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des motivations, voici des thématiques passionnantes ! Intellectuellement, bien sûr, car élaborer une réflexion intégrale, complexe, est un défi et une stimulation profonde. Mais, plus largement, humainement : ce qui est en jeu ici n’est rien de moins que le devenir de notre pays, la France, notre avenir à tous, ses citoyens. J’entends prendre part à cette réflexion et j’estime y avoir une responsabilité, celle d’y contribuer à la mesure de mes connaissances et de mes compétences. Alors que l’expertise est aujourd’hui trop fréquemment prise comme prétexte, dans de nombreux domaines, pour confisquer la pensée et verrouiller la discussion, il me semble au contraire qu’elle doit imposer à ceux qui la possèdent de la vulgariser : de la rendre accessible et intelligible à tous, pour donner à chacun les moyens de son civisme, et lui ôter l’excuse du repli spectateur et de la reddition intellectuelle.
Vaste programme, donc, que je vous invite à suivre et auquel je vous convie à participer. Et que j’entrecouperai occasionnellement « d’excursions » vers d’autres thématiques.
Image : Tullio Crali, « Avant que le parachute ne s’ouvre », 1939. Un changement de ligne éditoriale est toujours un saut dans l’inconnu !